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BIOGRAPHIE 

Manuel Besse – figer l’éphémère, libérer l’invisible

Manuel Besse est un photographe polyvalent, dont les travaux explorent les dimensions humaines, sociales et esthétiques du monde. Marqué dès l'enfance par un documentaire du photographe Don McCullin sur la guerre du Vietnam, il entame sa carrière photographique au début des années 1980, remportant le Premier Prix Polaroid à l'École Nationale Supérieure Louis-Lumière, tout en participant à plusieurs expositions collectives. Il enrichit ensuite ses compétences en photographie, vidéographie, beaux-arts et ethnologie en intégrant l'Académie Charpentier, l'École du Louvre et l'Université Paris Cité sous la guidance de Maurice Bitter, figure emblématique du journalisme.

Son exploration continue l'amène en Amérique centrale, au Brésil et en Amazonie où, en 1987, il est le premier Français à documenter les mines d'or de Serra Pelada. Photographe freelance pour Cosmo International et Sipa Press, il se joint à des missions de l'armée colombienne contre les narcotrafiquants au cœur de la jungle tropicale. Ces expériences transmutent sa perspective et le conduisent à travers la Guyane, l'Argentine, le Venezuela et le Suriname, où il navigue sur le fleuve Maroni avec la Légion étrangère et traverse des territoires peu connus.

Des terres indomptées aux grandes métropoles américaines, ses voyages l’ont conduit aux confins du monde et de l’intime, capturant la beauté brute et la vulnérabilité humaine dans des paysages en tension. Dans les années 1990, il parcourt les Dolomites, le Canada et le cercle arctique, consolidant son engagement envers la préservation de la nature et les cultures locales. Il prolonge ses recherches visuelles en Europe, en Afrique et en Asie centrale, inscrivant ces territoires dans la continuité naturelle de son parcours. Récompensé en 1994 pour son documentaire « À quoi ça rime ? », le photographe poursuit son odyssée artistique au Labrador, en Alaska et aux États-Unis, capturant la diversité à travers des images marquantes qui reflètent sa propre lecture du monde.

Il sillonne New York, Los Angeles, Détroit, Rio de Janeiro ou encore São Paulo, traquant les contrastes d’une société fracturée. Au cœur du tissu urbain, la solitude se confronte à la foule, et la dignité compose avec la résilience. À travers une photographie en noir et blanc épurée, Manuel Besse déploie un regard attentif, sans artifice, sur les réalités contemporaines, exaltant la structure des formes, la richesse des singularités, et révélant l’intime gravité du réel. Il inscrit dans le cadre des récits universels — silencieux, essentiels — qui invitent à la contemplation et à la réflexion.

Son approche se situe à la croisée du documentaire et de l’art, sondant les abîmes de l’isolement, de la condition humaine et de la mémoire. Parmi ses projets emblématiques, la série Macadam interroge la dynamique sociale des grandes villes, en capturant des fragments d’existence marqués par les inégalités, et en offrant à ces anonymes une visibilité à la fois légitime et salutaire, questionnant notre rapport à l’autre, à l’espace public et à l’invisible.

Installé à Saint-Tropez, Manuel Besse est également plongeur-cadreur — une spécialisation qui lui permet de capturer avec précision la beauté fragile des écosystèmes sous-marins. Toujours en quête d’un Éden au diable vauvert, il nourrit une passion inextinguible pour l’ethnologie, les religions primitives et les arts premiers. Contemplatif, viscéralement connecté au vivant, il trouve dans la nature un refuge absolu, une matrice d’inspiration inépuisable. Sa photographie ne se contente pas de fixer l’instant ; elle en traque la quintessence. Chaque image devient un écho visuel du chaos, cristallisé dans son vertige brut, sans artifice ni concession. Son travail questionne notre lien au vivant, nous invite à ralentir, à ressentir, et à voir au-delà des apparences.

En 2023 et 2024, ses portraits et compositions en noir et blanc ont été distingués par le prestigieux AAP Magazine dans la catégorie « Noir et Blanc ». Il a également reçu la médaille de bronze aux reFocus Awards pour sa série Rio de Janeiro – Favela Rocinha 2024. En 2025, il affirme à nouveau sa vision en remportant le Grand Prix Photo de Saint-Tropez, dans la catégorie « Premium Class ».

À l’ère de l’instantanéité numérique, Manuel Besse défend une photographie ancrée dans le tangible. Face à la dématérialisation du regard et à la saturation visuelle, il s’attache à capter l’ineffable, imposant à chaque image une profondeur et une authenticité que le flux numérique ne saurait altérer. Chaque prise de vue est un acte de résistance, un engagement esthétique et humain qui s’incarne aussi dans ses démarches créatives et ses alliances professionnelles.

Aujourd’hui, Manuel Besse travaille aux côtés de galeries, de collectionneurs, de marques et d’institutions à la recherche d’œuvres fortes, capables de marquer les esprits. Ses photographies, disponibles en éditions limitées et certifiées, trouvent leur place dans des environnements variés où elles incarnent la rencontre entre l’art et la sensibilité humaine. Toujours en mouvement, il prolonge ses pérégrinations, porté par une quête d’émotion et de sens, inscrivant sa vision au cœur même de la photographie contemporaine.

Biographie consignée par Pénélope Fiorindi – 2025

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Ce que la lumière sculpte, l'ombre coud.

Un texte de Pénélope Fiorindi

Le photographe est un guetteur d’ombres et de fulgurances, un arpenteur du visible et de l’invisible. Il travaille la lumière comme une matière vivante – un souffle qu’il plie et cisèle pour lui arracher une forme. Son outil n’est ni burin ni pinceau, mais un regard qui lacère le présent et prélève dans le chaos du monde des fragments d’ordre et d’émotion. Pourtant, la capture n’est jamais figée : elle respire, palpite, oscille entre révélation et dissimulation. À l’instar d’un sculpteur libérant une silhouette d’un bloc brut, il fouille le spectre lumineux, tranche l’espace et y emprisonne l’éphémère. Chaque prise de vue est une incision dans le tissu du temps, un geste de dévoilement qui capte ce que l’œil seul devine sans l’atteindre. Il faut imaginer le photographe, veilleur immobile ou en mouvement, guettant l’instant où le désordre se cristallise, où l’ordinaire bascule dans l’extraordinaire par la seule alchimie d’un cadrage. C’est là, dans ce silence vibrant qui précède le branle-bas, qu’il ajuste son angle et impose aux contours de la réalité un équilibre prêt à basculer.

 

La photographie est une empreinte, une négociation avec l’oubli, un négatif temporel. Elle extrait, dans l’excès du monde, ce qui échappe – traces humaines et fractures urbaines, éclats d’une onde mourante. Dans la série Macadam, Manuel Besse interroge les cicatrices imperceptibles des villes, révélant dans chaque fissure un bruit en suspens. À travers ses portraits saisis dans les marges des métropoles ou ses fractions d’architecture consumée par l’usure, elle devient une mémoire vive, une archive mouvante prête à être relue et réinterprétée. Un hurlement sourd, presque inaudible, comme si l’asphalte lui-même retenait son souffle. Mais ce prélèvement n’est jamais neutre. C’est un acte politique, une prise de position. Photographier, c’est choisir : ce qui entre dans le cadre et ce qui en est exclu. C’est imposer un ordre dans un univers saturé, tout en laissant planer un doute sur cet ordre. Car la photographie, tout comme l’histoire, est toujours un récit fragmenté portant sa part d’oubli. Ce que l’image montre n’est jamais qu’une partie de ce qu’elle tait. Et l’on sait que ce qui est tenu hors du cadre pèse parfois plus lourd que ce qui y figure. Le néant agit. Il saigne.

 

Dans ces photographies où la nuit s’infiltre sur les visages et s’insinue dans les corps, la lumière devient un scalpel, révélant les failles et les résistances. Rien n’est lissé, rien n’est arrangé. Les scènes capturent l’instinct pur d’un geste, l'intensité d’un regard perdu dans la foule, l’écho d’une solitude piégée entre les murs d’une cité. Dans ses portraits urbains, Besse suspend l’instant, non pour l’embellir, mais pour le confronter à sa propre impermanence. Comme si chaque faciès portait le poids de ses absences, un masque fissuré par l’irréversibilité. Dans un monde saturé d’images, où la vitesse numérique tend à réduire la photographie à un flux continu, il est essentiel de rappeler son ancrage matériel. Même dématérialisée, elle porte encore l’empreinte de la chambre noire, du papier photo et des bains chimiques. Comme une sculpture arrachée à la pierre, elle engage un dialogue avec la matière – ici lumière, ombre et reflet. Elle ne reproduit pas, elle exhume au réel ce qu’il dissimule, comme une plaie ouverte qu’on refuse de suturer.

 

La photographie sait aussi s’attarder dans les marges, là où la clarté vacille et la chair s’efface. Dans le désert, la glace ou la mer, elle devient une méditation, un lent dépliement du monde. Chaque prise ouvre une faille dans l’espace et le temps, un seuil où le regard plonge et se perd. Et c’est peut-être là sa véritable force : sa capacité à relier les contraires. Entre corporéité et immatérialité. Entre l’imminence et l’éternité. Entre ce qui est visible et ce qui se dérobe. Le photographe, tel un passeur, nous invite à traverser ces frontières. Chaque prise de vue devient une brèche dans la continuité. Et dans cette tension fragile, dans cet équilibre instable entre ce qui est montré et ce qui est dissimulé, réside la puissance primordiale de la photographie. La lumière ment, l'ombre sait. L'instant mord, et la rémanence s’impose. Ce que la lumière abandonne, l’ombre l’inscrit, et ce qui a brûlé dans l’instant survit dans la cendre. 

Pénélope Fiorindi

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