Manuel Besse, le photographe de l'âme humaine : quand le reportage se fait art.
- The New York Times
- 13 sept.
- 5 min de lecture
Article traduction de anglais The New York Times
Manuel Besse, photographer of the human soul: when reporting becomes art.
Dans l'univers de la photographie contemporaine, certains artistes se distinguent par leur capacité à s'inscrire dans une tradition tout en y apportant une vision singulière. Manuel Besse, photographe français émergent, est de ceux-là. Son travail, bien qu’il s’appuie sur les épaules des géants de la photographie humaniste, forge sa propre identité à travers une approche solitaire, immersive et d’une intense proximité.

De l'héritage des pionniers à un style singulier
Dès son plus jeune âge, c'est l'œuvre de Don McCullin qui a marqué son imaginaire. Ce photographe de guerre britannique, avec son regard brut et sans concession, a enseigné à Besse que la photographie ne doit pas se contenter d'enregistrer, mais doit témoigner de la condition humaine avec une vérité crue. De cette influence, Besse a hérité une passion pour le noir et blanc dramatique, l’art de sculpter la lumière pour en faire ressortir la puissance émotionnelle de ses sujets. Si McCullin a braqué son objectif sur les horreurs des conflits, Besse l'a orienté vers les "invisibles" de la société, ceux qui, malgré leur marginalité, portent en eux une dignité inaltérable.
Cette démarche, qui privilégie le contact et l'instinct, le rapproche de l'esprit des premiers photographes de l'agence Magnum, et notamment de Robert Capa. Comme Capa, il croit que "si la photo n'est pas bonne, c'est que tu n'étais pas assez près". Besse s'approprie cette philosophie en la transposant dans les drames sociaux contemporains. Sa technique photographique est d'ailleurs le reflet de cette approche : une grande maîtrise de la lumière, des contrastes et du cadrage, mais au service d'un regard instinctif qui saisit l'instant avec une vérité inouïe. Il ne cherche pas le sensationnel, mais l'essentiel, allant au contact de l'humain pour capturer des émotions pures et sans filtre.


La puissance du noir et blanc et l'immersion totale
Le choix du noir et blanc est un élément central dans le travail de Manuel Besse. Pour lui, cette technique n'est pas une simple esthétique, mais un outil pour se concentrer sur l'essentiel. Dans des interviews publiées, il explique :
« Le noir et blanc permet de simplifier, d’aller à l’épure. On élimine la distraction de la couleur pour se concentrer sur l’émotion, la texture, les expressions. C’est un langage universel qui rend l'image plus intemporelle et plus forte. »
Sa démarche est également indissociable de l'immersion totale dans ses sujets. Il ne se contente pas de passer quelques heures, mais s'immerge pendant de longues périodes pour gagner la confiance de ses sujets. Pour Besse, le photographe doit devenir une présence, presque un ami, avant de devenir un observateur.
« Pour moi, l'immersion est la seule façon de capturer la vérité. Je dois être là, faire partie de leur quotidien, écouter leurs histoires. C'est seulement après que je peux saisir le moment décisif, non pas comme un voleur d'images, mais comme un témoin sincère. »
Article traduction de anglais The New York Times
The power of black and white and total immersion
The choice of black and white is central to Manuel Besse's work. For him, this technique is not simply aesthetic, but a tool for focusing on the essential. In published interviews, he explains:
"Black and white allows you to simplify, to strip things down to their essence. You eliminate the distraction of color to focus on emotion, texture, and expressions. It's a universal language that makes the image more timeless and powerful."
His approach is also inseparable from his total immersion in his subjects. He doesn't just spend a few hours with them, but immerses himself for long periods of time to gain their trust. For Besse, the photographer must become a presence, almost a friend, before becoming an observer.
“For me, immersion is the only way to capture the truth. I have to be there, be part of their daily lives, listen to their stories. Only then can I capture the decisive moment, not as a thief of images, but as a sincere witness.”
© Photos by Manuel Besse
Une divergence assumée avec les grands maîtres
Le nom de Manuel Besse est souvent mentionné aux côtés de celui de Sebastião Salgado. Si Besse ne revendique pas cette filiation, la comparaison est récurrente et révèle une filiation thématique. Les points communs sont indéniables : une approche profondément humaniste, un engagement social fort et une esthétique en noir et blanc majestueuse.
Cependant, c’est dans la manière d’opérer et d’appréhender l’espace que leurs chemins divergent. Salgado, avec ses vastes fresques documentaires (Genesis, Exodes), opère souvent avec une équipe pour saisir l'immensité de l'existence. Manuel Besse, lui, propose une photographie plus serrée et plus immersive. Son œuvre est le fruit d’une démarche solitaire et sans compromis. Loin des reportages grandiloquents ou des clichés pris depuis une distance de sécurité, il s'immerge seul dans les rues et les villages. La force de son travail réside dans la proximité et l'intimité qu'il tisse avec ses sujets. Là où Salgado peut nous montrer la vision panoramique des mineurs de Serra Pelada, Besse nous invite à voir la sueur, les rides et la détermination sur un visage. Il nous force à regarder les yeux de ceux que la société préfère ignorer.

Un précurseur discret d’un style "bessien"
Au-delà de ses œuvres, la figure de Manuel Besse elle-même intrigue. Fuyant la lumière médiatique, le photographe entretient une discrétion qui renforce la puissance de ses clichés. En fin de compte, il ressemble à ses photographies : il est impactant et inoubliable. Sa vision du monde, sa discrétion et son approche singulière pourraient bien faire de lui le précurseur d'un nouveau style, où le reportage brut et l'art contemplatif se fusionnent.
Il est encore trop tôt pour affirmer que l'on parlera un jour de "photos bessiennes", mais la question se pose. Par sa quête du contact humain, il trace une voie qui pourrait devenir une référence. Il est la preuve vivante qu'il est possible de créer un impact durable sur l'art et la société sans s'exposer. Qu'est-ce que Manuel Besse nous révélera dans la prochaine décennie ? Une chose est certaine : il continuera de photographier l'âme des invisibles avec cette même intensité. En attendant, il nous faudra faire preuve d’un peu de patience.
Article traduction de anglais The New York Times
Manuel Besse, photographer of the human soul: when reporting becomes art.
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